Persée

au Château de Cheverny

Jean MONIER, “Persée et Andromède”
Persée volant à toute allure secourt Andromède enchaînée à un rocher, Les Métamorphoses, Livre IV, vers 719.

Il existe un petit texte à l'origine de l'un des tableaux représentant l'histoire de Persée et Andromède peints par Jean MONIER sur le plafond de la chambre du Roi du deuxième étage du Château de Cheverny.

Il a été écrit par Ovide , écrivain d'expression latine qui a vécu sous l'empire romain, comme partie du livre IV de son œuvre la plus connue, Les Métamorphoses.

Nous pouvons ainsi suivre Persée, passant dans le ciel d'Éthiopie à l'improviste, s'étonne de trouver une jeune fille nue enchaînée à un rocher...

Persée et Andromède selon le texte du livre IV des Métamorphoses

  1. Le fils d'Hippotès avait enfermé les vents dans leur prison momentanée
  2. Et, invitant au travail, le resplendissant Lucifer
  3. Avait jailli du ciel profond. Persée, ayant repris ses ailes, les attachent
  4. De part et d'autre de ses pied, se ceint de son épée recourbée
  5. Et bat de ses talonnières pour fendre l'air limpide.
  6. Après avoir laissé tout autour, au-dessous, d'innombrables nations,
  7. Il aperçoit la population éthiopienne et les champs de Céphée,
  8. Où l'injuste Ammon a condamné l'innocente Andromède
  9. À être châtiée pour les paroles de sa mère.
  10. Dès que le descendant d'Abas la voit, les bras attachés
  11. Contre la roche dure - n'était la brise légère agitant ses cheveux
  12. Et les larmes tièdes qui coulaient de ses yeux,
  13. Il l'eût prise pour une œuvre de marbre -, la passion s'empare de lui
  14. À son insu et le paralyse; saisi par l'apparition d'une telle beauté
  15. Il en oublie presque de battre l'air de ses ailes.
  16. À peine debout, il lui dit:

    «Ô toi qui ne mérites pas ces chaînes

  17. Mais celles qui lient l'un à l'autre les amants passionnés,

  18. Dis-moi, je t'en prie, le nom de cette terre, le tien

  19. Et la raison de ces entraves.»

    La jeune fille se tait d'abord, n'osant
  20. Adresser la parole à un homme; elle cacherait de ses mains
  21. Son doux visage si elle n'était enchaînée;
  22. Des larmes jaillissent - elle ne peut rien d'autre - et emplissent ses yeux.
  23. Comme il se fait de plus en plus pressant, afin qu'il ne pense pas
  24. Qu'elle refuse d'avouer ses fautes, elle lui dit le nom du pays
  25. Et le sien, et combien sa mère fut trop sûre de sa beauté.
  26. Elle n'avait pas encore tout raconté que l'eau fit un grand bruit
  27. Et qu'un monstre arriva, menaçant, sur la mer immense,
  28. Dominant la vaste plaine liquide de son poitrail.
  29. La jeune fille pousse un cri; son père est là, en larmes, sa mère
  30. Aussi, tous deux dans le malheur, celle-ci à plus juste titre;
  31. Ils n'apportent nulle aide mais les pleurs et les gémissements
  32. Que requiert la situation, et ils serrent son corps entravé
  33. Quand l'étranger leur dit:

    «Vous pourrez vous consacrez plus tard

  34. Au temps des larmes; pour la sauver vous n'avez qu'un instant.

  35. Si je la demandais moi, Persée, fils de Jupiter et de celle

  36. Qui, prisonnière, fut fécondée par une pluie d'or,

  37. Persée, le vainqueur de la Gorgone aux cheveux vipérins,

  38. Moi qui, battant des ailes, ai eu l'audace de traverser les airs,

  39. Je serais sûr d'être un gendre préféré à tout autre; mais à tant de mérites

  40. Je veux ajouter un exploit, pourvu que les dieux me l'accordent:

  41. Qu'elle soit mienne et ma bravoure la sauvera, je le promets.»

  42. Condition acceptée (qui donc hésiterait?); les parents le supplient
  43. Et lui promettent, en outre, un royaume pour dot.
  44. Alors, tout comme un bateau rapide, l'éperon de sa proue en avant,
  45. Fend les flots sous la poussée des bras de jeunes hommes en sueur,
  46. Ainsi fait la bête, dont le puissant poitrail écarte les eaux.
  47. Elle n'était séparée des rochers que d'une distance égale à celle
  48. Que traverse en plein ciel une balle de plomb lancée par un frondeur
  49. Baléare, quand soudain le jeune homme, frappant du pied sur la terre,
  50. S'élève jusqu'aux nuées. À peine son ombre est-elle apparue
  51. À la surface des eaux que la bête s'acharne avec fureur sur l'ombre.
  52. Lorsque l'oiseau de Jupiter aperçoit dans un champ dénudé
  53. Un serpent qui présente à Phœbus son dos bleuâtre,
  54. Il le prend par derrière et, pour l'empécher de tourner sa gueule terrible,
  55. Il enfonce ses serres de rapace dans la nuque du reptile;
  56. De même le descendant d'Inachus, volant à toute allure
  57. À travers l'espace, s'abat sur le dos du monstre fou de rage
  58. Et lui enfonce dans le flan droit sa lame courbe, jusqu'au crochet.
  59. Grièvement blessée, la bête gigantesque tantôt se dresse dans les airs
  60. Tantôt disparaît sous les eaux, tantôt s'agite à la façon d'un sanglier
  61. Farouche qu'une meute de chiens hurlants encercle et terrorise.
  62. Lui, grâce à ses ailes, esquive avec agilité les morsures voraces
  63. Et, partout où il peut, que ce soit sur le dos couvert de coquillages vides,
  64. Sur les flancs ou sur la queue très mince, qui se termine
  65. Comme celle d'un poisson, frappe de son épée recourbée.
  66. La gueule du monstre vomit un flot mêlé à un sang pourpre
  67. Dont les éclaboussures mouillent et élourdissent les ailes
  68. De Persée; n'osant plus se fier à ses talonnières trempées,
  69. Il avise un rocher dont la pointe se dresse au-dessus des eaux
  70. Calmes, mais que recouvre une mer agitée.
  71. Le prenant pour appui et se retenant de la main gauche aux premières
  72. Arrêtes, à trois, à quatre reprises il plonge le fer dans le ventre du monstre.
  73. Des cris, des applaudissements emplissent le rivage
  74. Et les demeures supérieures des dieux; Cassiopée et Céphée, le père,
  75. Exultent, complimentent leur gendre, le déclare protecteur
  76. Et sauveur de la famille; délivrée de ses liens,
  77. S'avance la jeune fille, à la fois cause et récompense de l'exploit.
  78. Persée puise de l'eau pour laver ses mains victorieuses
  79. Et, pour que la dureté du sable ne blesse pas la tête entourée de serpents,
  80. Il rend le sol plus doux par des feuillages, le couvre d'algues
  81. Marines et y déposent, de face, la tête de Méduse, fille de Phorcus.
  82. Les algues fraîches, encore vivantes et gorgées d'eau,
  83. Subissent le pouvoir du monstre et, à son contact, durcissent,
  84. Communiquent aux branches et aux feuilles cette rigidités inconnue.
  85. Quant aux nymphes des eaux, elles expérimentent ce prodige
  86. Sur plusieurs autres algues, ravies d'y parvenir
  87. Et, comme elles en ont jeté dans l'eau des particules,
  88. Il en résulte aujourd'hui le corail, qui a même propriété,
  89. Durcissant au contact de l'air: ainsi, ce qui dans l'eau était
  90. Plante souple devient hors de l'eau une pierre.
  91. Le héros élève trois autels de gazon à trois dieux:
  92. À gauche pour Mercure, à droite pour toi, vierge guerrière,
  93. Et au milieu l'autel de Jupiter; il immole à Minerve une génisse,
  94. Un veau au dieu aux pieds ailés et à toi, roi des dieux, un taureau.
  95. Sitôt après, il prend dans ses bras Andromède - récompense,
  96. Hormis sa dot, d'un si puissant exploit; Hyménée et Amour
  97. Secouent leurs torches; on inonde les bûchers de parfums,
  98. On accroche aux toits des guirlandes et partout résonnent
  99. Les lyres, les flûtes, les chants, marques joyeuses
  100. Du bonheur; les portes étant grandes ouvertes, apparaît
  101. L'atrium tout doré et les nobles Céphènes prennent place
  102. Au banquet royal devant des tables magnifiques.

Ovide, Les Métamorphoses, Livre IV, vers 663 à 764.