Persée
au Château de Cheverny
Il existe un petit texte à l'origine de l'un des tableaux représentant l'histoire de Persée et Andromède peints par Jean MONIER sur le plafond de la chambre du Roi du deuxième étage du Château de Cheverny.
Il a été écrit par Ovide , écrivain d'expression latine qui a vécu sous l'empire romain, comme partie du livre IV de son œuvre la plus connue, Les Métamorphoses.
Nous pouvons ainsi suivre Persée, passant dans le ciel d'Éthiopie à l'improviste, s'étonne de trouver une jeune fille nue enchaînée à un rocher...
Persée et Andromède selon le texte du livre IV des Métamorphoses
- Le fils d'Hippotès avait enfermé les vents dans leur prison momentanée
- Et, invitant au travail, le resplendissant Lucifer
- Avait jailli du ciel profond. Persée, ayant repris ses ailes, les attachent
- De part et d'autre de ses pied, se ceint de son épée recourbée
- Et bat de ses talonnières pour fendre l'air limpide.
- Après avoir laissé tout autour, au-dessous, d'innombrables nations,
- Il aperçoit la population éthiopienne et les champs de Céphée,
- Où l'injuste Ammon a condamné l'innocente Andromède
- À être châtiée pour les paroles de sa mère.
- Dès que le descendant d'Abas la voit, les bras attachés
- Contre la roche dure - n'était la brise légère agitant ses cheveux
- Et les larmes tièdes qui coulaient de ses yeux,
- Il l'eût prise pour une œuvre de marbre -, la passion s'empare de lui
- À son insu et le paralyse; saisi par l'apparition d'une telle beauté
- Il en oublie presque de battre l'air de ses ailes.
- À peine debout, il lui dit:
«Ô toi qui ne mérites pas ces chaînes
-
Mais celles qui lient l'un à l'autre les amants passionnés,
-
Dis-moi, je t'en prie, le nom de cette terre, le tien
-
Et la raison de ces entraves.»
La jeune fille se tait d'abord, n'osant - Adresser la parole à un homme; elle cacherait de ses mains
- Son doux visage si elle n'était enchaînée;
- Des larmes jaillissent - elle ne peut rien d'autre - et emplissent ses yeux.
- Comme il se fait de plus en plus pressant, afin qu'il ne pense pas
- Qu'elle refuse d'avouer ses fautes, elle lui dit le nom du pays
- Et le sien, et combien sa mère fut trop sûre de sa beauté.
- Elle n'avait pas encore tout raconté que l'eau fit un grand bruit
- Et qu'un monstre arriva, menaçant, sur la mer immense,
- Dominant la vaste plaine liquide de son poitrail.
- La jeune fille pousse un cri; son père est là, en larmes, sa mère
- Aussi, tous deux dans le malheur, celle-ci à plus juste titre;
- Ils n'apportent nulle aide mais les pleurs et les gémissements
- Que requiert la situation, et ils serrent son corps entravé
- Quand l'étranger leur dit:
«Vous pourrez vous consacrez plus tard
-
Au temps des larmes; pour la sauver vous n'avez qu'un instant.
-
Si je la demandais moi, Persée, fils de Jupiter et de celle
-
Qui, prisonnière, fut fécondée par une pluie d'or,
-
Persée, le vainqueur de la Gorgone aux cheveux vipérins,
-
Moi qui, battant des ailes, ai eu l'audace de traverser les airs,
-
Je serais sûr d'être un gendre préféré à tout autre; mais à tant de mérites
-
Je veux ajouter un exploit, pourvu que les dieux me l'accordent:
Qu'elle soit mienne et ma bravoure la sauvera, je le promets.»
- Condition acceptée (qui donc hésiterait?); les parents le supplient
- Et lui promettent, en outre, un royaume pour dot.
- Alors, tout comme un bateau rapide, l'éperon de sa proue en avant,
- Fend les flots sous la poussée des bras de jeunes hommes en sueur,
- Ainsi fait la bête, dont le puissant poitrail écarte les eaux.
- Elle n'était séparée des rochers que d'une distance égale à celle
- Que traverse en plein ciel une balle de plomb lancée par un frondeur
- Baléare, quand soudain le jeune homme, frappant du pied sur la terre,
- S'élève jusqu'aux nuées. À peine son ombre est-elle apparue
- À la surface des eaux que la bête s'acharne avec fureur sur l'ombre.
- Lorsque l'oiseau de Jupiter aperçoit dans un champ dénudé
- Un serpent qui présente à Phœbus son dos bleuâtre,
- Il le prend par derrière et, pour l'empécher de tourner sa gueule terrible,
- Il enfonce ses serres de rapace dans la nuque du reptile;
- De même le descendant d'Inachus, volant à toute allure
- À travers l'espace, s'abat sur le dos du monstre fou de rage
- Et lui enfonce dans le flan droit sa lame courbe, jusqu'au crochet.
- Grièvement blessée, la bête gigantesque tantôt se dresse dans les airs
- Tantôt disparaît sous les eaux, tantôt s'agite à la façon d'un sanglier
- Farouche qu'une meute de chiens hurlants encercle et terrorise.
- Lui, grâce à ses ailes, esquive avec agilité les morsures voraces
- Et, partout où il peut, que ce soit sur le dos couvert de coquillages vides,
- Sur les flancs ou sur la queue très mince, qui se termine
- Comme celle d'un poisson, frappe de son épée recourbée.
- La gueule du monstre vomit un flot mêlé à un sang pourpre
- Dont les éclaboussures mouillent et élourdissent les ailes
- De Persée; n'osant plus se fier à ses talonnières trempées,
- Il avise un rocher dont la pointe se dresse au-dessus des eaux
- Calmes, mais que recouvre une mer agitée.
- Le prenant pour appui et se retenant de la main gauche aux premières
- Arrêtes, à trois, à quatre reprises il plonge le fer dans le ventre du monstre.
- Des cris, des applaudissements emplissent le rivage
- Et les demeures supérieures des dieux; Cassiopée et Céphée, le père,
- Exultent, complimentent leur gendre, le déclare protecteur
- Et sauveur de la famille; délivrée de ses liens,
- S'avance la jeune fille, à la fois cause et récompense de l'exploit.
- Persée puise de l'eau pour laver ses mains victorieuses
- Et, pour que la dureté du sable ne blesse pas la tête entourée de serpents,
- Il rend le sol plus doux par des feuillages, le couvre d'algues
- Marines et y déposent, de face, la tête de Méduse, fille de Phorcus.
- Les algues fraîches, encore vivantes et gorgées d'eau,
- Subissent le pouvoir du monstre et, à son contact, durcissent,
- Communiquent aux branches et aux feuilles cette rigidités inconnue.
- Quant aux nymphes des eaux, elles expérimentent ce prodige
- Sur plusieurs autres algues, ravies d'y parvenir
- Et, comme elles en ont jeté dans l'eau des particules,
- Il en résulte aujourd'hui le corail, qui a même propriété,
- Durcissant au contact de l'air: ainsi, ce qui dans l'eau était
- Plante souple devient hors de l'eau une pierre.
- Le héros élève trois autels de gazon à trois dieux:
- À gauche pour Mercure, à droite pour toi, vierge guerrière,
- Et au milieu l'autel de Jupiter; il immole à Minerve une génisse,
- Un veau au dieu aux pieds ailés et à toi, roi des dieux, un taureau.
- Sitôt après, il prend dans ses bras Andromède - récompense,
- Hormis sa dot, d'un si puissant exploit; Hyménée et Amour
- Secouent leurs torches; on inonde les bûchers de parfums,
- On accroche aux toits des guirlandes et partout résonnent
- Les lyres, les flûtes, les chants, marques joyeuses
- Du bonheur; les portes étant grandes ouvertes, apparaît
- L'atrium tout doré et les nobles Céphènes prennent place
- Au banquet royal devant des tables magnifiques.