Saint-Michel dans La Légende Dorée
Nom, Apparitions, Victoires, Dédicace, Mémoire
Dans l'Europe chrétienne du Moyen-Âge, la Légende Dorée est l'ouvrage le plus lu après la Bible.
Elle a été écrite en latin de à par un moine dominicain de l'Italie du Nord, compilateur de chroniques et également connu comme le 8ème Archevêque de Gênes, Jacques De Voragine (en latin, Jacobus de Voragine).
Présenter cet ouvrage, même de manière élémentaire, n'est pas chose aisée mais pour dire les choses, il n'y a pas d'erreur à écrire qu'en compilant plusieurs documents existants comme des vies de martyrs ou de quelques 150 saints ou groupes de saints, en incorporant dans le calendrier païen préexistant le calendrier liturgique annuel de l'église catholique, en l'uniformisant, en se servant aussi de cette occasion pour expliquer les principaux événements des vies du Christ et de la Vierge à partir des Évangiles, ce texte a de fait construit la mythologie chrétienne qui a imprégné en profondeur tous les domaines de la société de son époque, y compris par exemple sa topologie...
Comme l'écrit, dans la préface de son livre Mythologie chrétienne: fêtes, rites et mythes du Moyen âge, le médiéviste Philippe WALTER, «le souvenir immémorial imprégnaient rites, traditions venus de la mémoire sauvage qui préexistaient à l'arrivée du christianisme», on peut considérer ce texte parce qu'y apparaissent de manière sous-jacente des éléments refoulés par l'Église de l'ancien calendrier païen, comme à la fois fascinant et particulièrement digne d'intérêt.
Ici, je n'en présente bien sûr ci-dessous qu'une très petite partie, le seul chapître 141, parce que celle-ci se rapporte dans l'œuvre comme étant origine du Mont Saint-Michel en temps que lieu de pélerinage.
Y apparaissent l'archange Michel, le taureau, et bien d'autres choses... On peut s'étonner aussi que le récit se développe sans s'arrêter et insensiblement de l'archange à un récit de la foi en les anges.
Entre l'existence qu'on ne peut mesurer et celle qu'on perçoit, ce texte devrait susciter diverses pensées, indépendemment de questions relatives au fait de croire ou de ne pas croire, et donc j'incite à le lire si possible jusqu'à la fin sans s'effrayer de la forte coloration religieuse propre à l'époque.
Des liens ont été établis à partir des citations pour rendre possible et facile pour ceux qui le souhaiterait, vérification des propos avancés en temps que citation.
saint Michel selon le texte du chapître 141 de La Légende Dorée
le nom de Michel
Michel se comprend comme «Qui, comme Dieu?» et, à ce que dit Grégoire:
«chaque fois qu'il s'accomplit une grande merveille, c'est Michel qui est envoyé, pour signifier, par son action et par son nom, que personne ne peut faire ce qui revient à Dieu seul: aussi attribue-t-on à Michel lui-même nombre de faits qui manifestent une puissance admirable.»
Au témoignage de Daniel [Daniel chapître 12 verset 1], il surgira au temps de l’Antéchrist et se tiendra à côté des élus comme leur défenseur et protecteur. Il a combattu le dragon et ses anges [Apocalypse chapître 12, versets 7 à 9], les a précipités du haut du ciel, et a remporté sur eux une grande victoire. Il a disputé le corps de Moïse au diable qui voulait le produire afin que le peuple juif l'adore à la place de Dieu [lettre de Jude chapître 1 verset 9].
Il accueille les âmes des saints, et les conduit au Jardin de l'exultation [Daniel chapître 12, versets 1 et 2]. Il fut jadis prince de la Synagogue, mais, à présent, le Seigneur l'a fait prince de l'Église .
À ce qu'on sait, c'est lui qui a répandu les plaies sur l'Égypte, divisé les eaux de la mer Rouge , conduit le peuple à travers le désert, et qui l'a introduit en Terre promise. Dans l'armée des anges, il est tenu pour le porte-enseigne du Christ [Apocalypse chapître 12 verset 7].
Sur l'ordre du Seigneur il tuera avec puissance l'Antéchrist établi sur le mont des Oliviers [Luc chapître 22 verset 43]. À la voix de l'archange Michel, les morts ressusciteront [Daniel chapître 12, versets 1 et 2]; au jour du Jugement, il présentera la croix, les clous, la lance et la couronne d'épines.
La fête sacrée de l'archange Michel porte les noms d'apparition, de dédicace, de victoire et de mémoire.
les apparitions de cet ange sont multiples
apparition de Garganus et du taureau
La première apparition de Michel est celle du mont Gargano.
Dans les Pouilles se trouve une montagne ainsi désignée, près de la cité nommée Siponto. Or en l'an du Seigneur habitait dans cette ville de Siponto un homme appelé Gargano; la montagne tenait son nom de lui, ou bien, selon certains livres, c'est lui qui tenait son nom de la montagne.
Il possédait un immense troupeau de brebis et de bœufs, et celui-ci paissait sur les flancs de la montagne, quand soudain il arriva qu'un taureau quitta les autres animaux et s'enfuit jusqu'au sommet.
Comme il ne revenait pas avec les autres bêtes, l'homme rassembla une troupe de serviteurs, se mit à explorer tous les recoins, et finit par le trouver au sommet de la montagne, près de l'ouverture d'une grotte.
Se demandant avec exaspération pourquoi il errait ainsi tout seul, il lui décocha une flèche empoisonnée, mais celle-ci, comme si le vent la renvoyait, se retourna aussitôt contre lui.
Troublés par l'affaire, les habitants allèrent trouver l'évêque et l'interrogèrent sur ce phénomène stupéfiant.
Ce dernier leur imposa un jeûne de , et leur prescrivit de demander l'explication à Dieu.
Cela fait, saint Michel apparut à l'évêque et lui dit:
«Sachez que c'est moi qui ai voulu que cet homme soit frappé par sa propre flèche; car je suis l'archange Michel, et j'ai décidé de préserver ce lieu, dont j'ai fait ma demeure sur terre. Par ce signe j'ai voulu prouver que j'en étais l'inspecteur et le gardien.»
Sur-le-champ, l'évêque et les habitants s'y rendirent en procession, et, n'osant pas entrer dans la grotte, ils se tinrent en prière devant l'entrée.
apparition au mont Tombe
La seconde apparition eut lieu dans les années du Seigneur , à ce qu'on rapporte.
Au lieu dit La Tombe, Tumba, situé non loin du bord de mer, à six milles de la ville d'Avranches, Michel apparut à l'évêque de la cité et lui ordonna de construire une église à cet endroit, pour y célébrer la mémoire de l'archange Michel, comme sur le mont Gargano.
L'évêque hésitant sur le lieu exact où il devait construire l'église, Michel lui dit que ce devait être à l'emplacement où il trouverait un taureau caché par des brigands.
Comme il s'interrogeait aussi sur les dimensions de l'église, il reçut l'ordre de lui donner la surface délimitée par la marche du taureau.
Il y avait là deux énormes pierres qu'aucune force humaine n'aurait pu faire bouger: Michel apparut alors à un homme, lui ordonna d'aller là-bas et de prendre ces pierres.
Il y alla et les déplaça comme si elles ne pesaient rien du tout.
Après avoir édifié l'église, on prit sur le mont Gargano une partie de l'ornement que saint Michel avait déposé sur l'autel et une partie de la plaque de marbre sur laquelle il s'était tenu, et on les déposa en son église.
Et comme il y avait pénurie d'eau, sur le conseil de l'ange on perça un trou dans un rocher: à ce qu'on dit, il s'en échappa aussitôt suffisamment d'eau pour alimenter l'endroit encore aujourd'hui.
En ce lieu, cette apparition se célèbre solennellement le dix-septième jour des calendes de novembre.
Il s'y déroula encore, dit-on, un miracle digne de mémoire.
Le lieu est partout cerné par l'océan, mais au jour de la Saint-Michel il s'ouvre deux fois pour laisser le passage au peuple.
C'est à cause de la marée montante et descendante qui se produit là deux fois par jour qu'on dit qu'il s'ouvre.
Comme une foule nombreuse se pressait vers l'église, il se trouva qu'une femme enceinte et près d'accoucher marchait au milieu d'elles.
Voilà soudain que l'eau revint à grosses vagues, et que la foule affolée se réfugia sur le rivage, sauf la femme enceinte, qui se trouva prisonnière des flots marins.
Mais l'archange Michel lui sauva la vie et elle accoucha d'un fils en pleine mer.
Elle le prit dans ses bras, l'allaita et, la mer lui laissant à nouveau le passage, elle en sortit toute joyeuse avec son enfant.
appartition au château saint-Ange
La troisième apparition eut lieu à Rome, à ce qu'on lit, au temps du pape Grégoire.
Ce dernier, en effet, avait institué les litanies majeures en raison de la peste bubonique, et il priait avec dévotion pour son peuple, lorsqu'il vit, sur le château jadis appelé mausolée d'Adrien, l'ange du Seigneur en train d'essuyer son glaive et de le remettre au fourreau.
Saint Grégoire comprit alors que ses prières avaient été exaucées, et il construisit là une église en l'honneur des anges; aussi le château est-il appelé aujourd'hui encore château Saint-Ange.
Cette apparition est célébrée le 8 des ides de mai, en même temps que celle du mont Gargano, au jour où l'archange Michel donna la victoire aux Sipontins.